Mme Saâdia Lakehal est Fondatrice et Présidente d’Emperia Industries Connect et initiatrice du Sommet Mondial Femmes, Industrie 4.0 & AgriTech.
Elle œuvre pour une transformation industrielle inclusive et durable, reliant les écosystèmes d’innovation à l’échelle internationale.
Sa vision place le leadership et la créativité des femmes au cœur de l’industrie du futur en Afrique et au-delà.

1. Vous placez la créativité et l’innovation au cœur du Sommet mondial de l’industrie 4.0 au féminin.
D’après vous, en quoi les femmes africaines représentent-elles un moteur essentiel de transformation pour l’industrie 4.0, et quelles actions concrètes permettraient de maximiser leur impact sur l’avenir industriel du continent ?

Je suis convaincue que la créativité et l’innovation sont les plus grandes richesses du continent africain — et que les femmes en sont les véritables catalyseurs.
Depuis toujours, les femmes africaines innovent : dans leurs entreprises, leurs communautés, leurs foyers.
Avec peu, elles créent beaucoup.
Face aux contraintes, elles inventent des solutions.
Cette force, cette ingéniosité, doit aujourd’hui nourrir notre transformation industrielle.

Dans le contexte de l’industrie 4.0, cette créativité devient un levier stratégique : elle permet de concevoir des technologies plus inclusives, plus durables et plus adaptées aux réalités africaines.
Les femmes africaines apportent vision, résilience et leadership collaboratif, trois atouts essentiels pour bâtir une industrie du futur qui profite à tous.

Le Sommet mondial de l’industrie 4.0 au féminin vise à mettre en lumière ces talents, à connecter les esprits innovants et à prouver que l’innovation féminine n’est pas seulement une source d’inspiration, mais un moteur concret de transformation pour tout le continent.

 

Actions concrètes pour maximiser leur impact :

  1. Accès équitable à la formation numérique : Développer des formations accessibles, locales et adaptées aux réalités des femmes : en langues locales, sur mobile, et avec un apprentissage pratique.
  2. Entrepreneuriat inclusif : Soutenir les femmes entrepreneures par des financements, des incubateurs et des réseaux dédiés pour transformer leurs idées en projets industriels durables.
  3. Infrastructures et connectivité : Améliorer l’accès à l’électricité, à Internet et aux outils numériques dans les zones rurales et périurbaines, pour ne laisser aucune femme de côté.
  4. Éducation et mentorat : Créer des programmes qui forment les jeunes filles aux métiers technologiques et les connectent à des modèles féminins de réussite.
  5. Durabilité et inclusion sociale : Promouvoir une industrie respectueuse de l’environnement, qui valorise les compétences locales et renforce la place des femmes dans les chaînes de valeur industrielles.


La femme africaine, créative, résiliente et engagée, est la clé de la révolution industrielle du continent.
Mais pour qu’elle en soit pleinement actrice, il faut adapter la technologie à sa réalité — et non l’inverse.

 

L’Afrique ne doit pas copier : elle doit inventer son modèle, un modèle où la technologie sert l’humain, et où la créativité féminine devient un moteur de souveraineté et de progrès.

2.Comment les femmes, à travers l’agritech et l’innovation agro-industrielle, peuvent-elles contribuer à créer davantage de valeur et d’emplois tout en soutenant une agriculture plus durable et organique en Afrique ?

Les femmes sont au cœur de l’agriculture africaine : elles représentent près de 60 % de la main-d’œuvre agricole et assurent une grande part de la sécurité alimentaire du continent.
Mais trop souvent, elles restent à la marge de la chaîne de valeur, limitées à la production primaire, sans accès à la technologie, aux financements ou aux marchés.
L’agritech et l’innovation agro-industrielle peuvent changer cela — en transformant ces femmes en créatrices de valeur et d’emplois durables.

  1. L’agritech comme levier d’autonomisation

Les outils numériques — applications mobiles, plateformes de e-commerce agricole, données climatiques ou solutions d’irrigation intelligente — permettent aux femmes de produire mieux, vendre plus et perdre moins.
Grâce à ces technologies, elles peuvent planifier leurs récoltes, accéder aux informations sur les prix, ou encore vendre directement leurs produits sans intermédiaires.
C’est une véritable révolution d’accès et de contrôle économique.

  1. L’agro-industrie féminine : transformer localement pour créer de la valeur

Quand les femmes ne se contentent plus de produire, mais transforment localement les matières premières, elles créent des emplois, stabilisent les revenus et stimulent les économies rurales.
L’innovation agro-industrielle féminine — qu’il s’agisse de la transformation du manioc, du cacao, du karité ou des fruits bio — permet de valoriser les produits africains tout en réduisant les pertes post-récolte.
Chaque unité de transformation dirigée par une femme devient un noyau d’emploi local et de durabilité.

  1. Vers une agriculture plus durable et organique

Les femmes sont souvent les gardiennes des savoirs traditionnels : elles savent préserver la terre, les semences, les cycles naturels.
En combinant ces savoirs avec la technologie — compostage intelligent, traçabilité, irrigation solaire, certification bio — elles peuvent construire une agriculture moderne, écologique et résiliente face au changement climatique.
Elles placent la durabilité au centre de la production, pas comme un concept importé, mais comme une pratique vécue.

 

Les actions prioritaires

  • Accès au financement et à la formation pour les femmes rurales actives dans l’agritech.
  • Création d’incubateurs agricoles féminins, reliant innovation, production et transformation.
  • Politiques publiques inclusives pour intégrer les femmes dans les chaînes de valeur agro-industrielles.
  • Promotion de la consommation locale et bio, soutenant les entreprises dirigées par des femmes.


Les femmes africaines peuvent, par l’agritech et l’innovation agro-industrielle, passer du rôle de productrices à celui d’architectes de l’économie agricole du futur — une économie plus durable, locale et inclusive.

Elles ne nourrissent pas seulement le continent, elles le transforment.

3.À partir de votre expérience internationale en matière d’échanges entre femmes actrices de l’industrie 4.0, quelles initiatives prioritaires permettraient aujourd’hui de renforcer les compétences des femmes en Afrique et de leur donner un meilleur accès aux opportunités industrielles ?

 Mon expérience internationale m’a montré une chose essentielle :
partout où les femmes ont accès à la connaissance, aux réseaux et à la technologie, l’innovation s’accélère.
Mais en Afrique, malgré un potentiel extraordinaire, beaucoup de femmes restent encore éloignées des opportunités industrielles faute de formation, de visibilité ou de moyens.
C’est pourquoi il faut aujourd’hui agir sur trois leviers prioritaires pour renforcer leurs compétences et leur impact dans l’industrie 4.0.

 

  1. Former massivement aux compétences du futur

Nous devons démocratiser la formation aux métiers de l’industrie 4.0 — intelligence artificielle, robotique, data, fabrication numérique, énergies propres.
Mais cette formation doit être accessible, pratique et adaptée aux réalités africaines :

  • Des programmes en langues locales,
  • Des modules mobiles ou hybrides,
  • Des écoles techniques ouvertes aux jeunes femmes rurales.
    Former, c’est donner le pouvoir d’agir. Sans cela, il n’y a pas d’inclusion réelle.

 

  1. Créer des passerelles entre femmes et écosystèmes industriels

Les femmes doivent pouvoir accéder aux réseaux où se décident les transformations industrielles.
Cela passe par :

  • Des incubateurs et fablabs féminins,
  • Des programmes d’échanges Sud-Sud entre femmes ingénieures, chercheuses et entrepreneures,
  • Des partenariats public-privé favorisant le mentorat, le transfert de technologies et l’accès aux marchés.
    Quand les femmes sont connectées entre elles, elles créent des chaînes d’innovation puissantes et solidaires.

 

  1. Financer et valoriser les initiatives féminines

Les idées ne manquent pas, mais les financements, si.
Il faut donc faciliter l’accès au capital pour les femmes dans la tech et l’industrie : fonds d’investissement inclusifs, microcrédits digitaux, ou programmes d’amorçage spécialisés.
Et surtout, valoriser les réussites féminines — montrer des modèles, raconter les parcours, inspirer les vocations.

 

Le rôle du Sommet Mondial de l’Industrie 4.0 au Féminin et AgriTech au Féminin sont précisément d’aider, de former, connecter et financer.


Ce triptyque est la clé pour faire des femmes africaines non pas de simples bénéficiaires, mais de véritables architectes de l’industrie 4.0 du continent.

Parce que là où une femme est formée, connectée et reconnue, c’est toute une communauté qui progresse, et c’est tout un continent qui avance.