Adel BEN YOUSSEF is Professor of Economics at the Côte d’Azur University and member of the CNRS research laboratory (GREDEG – CNR UMR 7321). He is also an associate researcher at the Economic Research Forum (Cairo) and the Global Labor Organization (Bonn). Adel Ben Youssef is an international expert on ecological and digital transitions for many international institutions. He is a founding member of the African Association of Artificial Intelligence and Industry 4.0 (AISMA). In addition, he was a negotiator for Tunisia at COP 23, 24, 25, 26, 27, 28 and 29 (2017-2024) in the field of climate finance. He has participated in the facilitation of around a hundred workshops (100+) over the last 20 years. He has been the liaison person for more than 25 major international events and has published more than 100 academic articles in renowned international journals. He is Editor-in-Chief of the Platforms Journal (MDPI), Associate Editor of the journals Development and Sustainability in Economics and Finance (Springer) and Green and Low-Carbon Economy (GLCE). He is ranked among the top 1% economists by scholar GPS.
1. De quelle manière l’Industrie 4.0 peut-elle révolutionner des secteurs tels que l’agriculture, l’éducation et la santé en Afrique, et quels sont les principaux défis à relever pour réussir cette transformation ?
L’Industrie 4.0, entendue comme une nouvelle révolution industrielle fondée sur l’émergence simultanée d’une nouvelle vague de technologies de rupture, offre pour les pays africains de nombreuses possibilités pour transformer en profondeur des secteurs fondamentaux comme l’agriculture, l’éducation et la santé. Dans l’agriculture, elle peut améliorer la productivité grâce à l’agriculture de précision qui repose sur l’utilisation de capteurs connectés, de drones et de données satellitaires permettant une gestion optimisée des ressources naturelles telles que l’eau, les engrais et l’énergie. De même, elle facilite l’intégration des petits producteurs dans les chaînes de valeur régionales et internationales, renforçant ainsi leur résilience face aux changements climatiques et aux fluctuations des marchés. Dans le domaine de la santé, l’Industrie 4.0 rend possible la télémédecine avancée, notamment grâce à des dispositifs connectés pour le diagnostic à distance, la surveillance médicale en temps réel et l’accès élargi à des soins spécialisés dans les régions isolées ou sous-équipées, réduisant ainsi les inégalités sanitaires persistantes. Par exemple, en Tunisie des plateformes privées comme Med.tn ont émergé pour fournir des consultations médicales en ligne, offrant aux patients un accès facilité à des professionnels de santé et contribuant ainsi à désengorger les établissements médicaux. Dans l’éducation, l’Industrie 4.0 offre à l’Afrique la possibilité de relever les défis structurels liés à l’accès et à la qualité des apprentissages. Grâce aux plateformes numériques interactives, aux technologies mobiles largement répandues sur le continent, ainsi qu’à l’usage de contenus adaptés en langues locales, cette révolution industrielle permet une diffusion plus équitable du savoir, notamment dans les régions rurales et marginalisées. Nous sommes au début d’un changement de paradigme qui se matérialisera sans doute sur plusieurs années (voire décennies).
Cependant, la réussite de cette “révolution industrielle” suppose de surmonter plusieurs défis majeurs. Tout d’abord, la fracture numérique demeure significative sur le continent, tant en termes d’infrastructures que d’accès à une connectivité stable et abordable, particulièrement dans les régions rurales et dans les pays à faibles revenus. Il est donc essentiel d’investir massivement dans les infrastructures numériques, les réseaux de communication et la formation de compétences adaptées aux besoins locaux. De plus, il convient de mettre des cadres réglementaires et institutionnels adaptés aux conditions locales afin de favoriser l’innovation et les intérêts des citoyens. Enfin, les modèles économiques des solutions numériques doivent être adaptés au contexte socio-économique local, garantissant ainsi leur viabilité à long terme et une adoption large par les populations cibles.
2. Comment l’Industrie 4.0 peut-elle améliorer les services industriels en Afrique et renforcer la compétitivité locale ? Pourriez-vous citer des exemples d’expériences réussies sur le continent ?
L’Industrie 4.0 peut radicalement améliorer la performance et la compétitivité des services industriels africains en optimisant les processus de fabrication grâce à l’automatisation intelligente, la maintenance prédictive basée sur l’analyse de données et l’intégration efficace des chaînes d’approvisionnement via l’Internet des Objets (IoT). Mais j’inisterai sur la phase de robotisation qui pourrait immédiatement fournir un avantage immense qux petites industries manufacturières en Afrique. Ces avancées permettent une réduction significative des coûts opérationnels, une amélioration sensible de la qualité des produits et services, ainsi qu’une plus grande flexibilité pour faire face à la demande nationale et internationale. Par ailleurs, les industries locales peuvent exploiter des plateformes numériques pour étendre leur accès aux marchés régionaux et mondiaux, renforçant ainsi leur capacité à rivaliser sur un pied d’égalité avec les acteurs internationaux.
En Afrique, plusieurs initiatives réussies illustrent déjà ce potentiel. Par exemple, au Rwanda, la société Zipline utilise des drones autonomes pour livrer des médicaments et des poches de sang dans des zones difficiles d’accès, améliorant considérablement l’efficacité logistique et sauvant des vies grâce à des services industriels innovants basés sur l’Industrie 4.0. En Afrique du Sud, la mine de platine de Mogalakwena utilise l’Internet des objets combiné à l’intelligence artificielle pour réaliser une maintenance prédictive sur ses équipements miniers, réduisant considérablement les temps d’arrêt et augmentant la sécurité et la productivité sur le site industriel. De telles expériences démontrent clairement comment la digitalisation industrielle peut générer des bénéfices économiques tangibles tout en stimulant l’innovation locale.
3.En quoi l’Industrie intelligente peut-elle favoriser la transition écologique en Afrique, en particulier dans les secteurs industriels et énergétiques ?
L’Industrie intelligente constitue un levier stratégique essentiel pour accélérer la transition écologique en Afrique, en offrant des solutions efficaces de gestion des ressources et d’économie circulaire dans les secteurs industriels et énergétiques. En intégrant des technologies telles que les systèmes intelligents de gestion de l’énergie, la blockchain pour la traçabilité écologique, et les plateformes numériques pour l’optimisation des processus industriels, il devient possible de réduire drastiquement les émissions de gaz à effet de serre, d’améliorer l’efficacité énergétique et de limiter la production de déchets industriels. Une autre illustration concerne les réseaux électriques intelligents « smart grids » permettent une meilleure intégration des énergies renouvelables dans les systèmes énergétiques africains, facilitant la gestion optimale de l’offre et de la demande tout en réduisant les pertes d’énergie.
Par ailleurs, la transformation numérique du secteur industriel peut contribuer activement au développement durable en encourageant la création de nouveaux modèles économiques, notamment l’économie circulaire fondée sur la récupération, le recyclage et la réutilisation intelligente des matériaux. En Éthiopie, par exemple, la transformation numérique a permis à certains parcs industriels d’adopter des pratiques écologiques grâce à une gestion numérique optimisée des ressources en eau et en énergie, réduisant ainsi considérablement leur empreinte écologique. De même, au Maroc, le recours à l’Industrie 4.0 dans le secteur automobile a permis une amélioration notable de l’efficacité énergétique et de la gestion environnementale sur les sites industriels, facilitant ainsi une meilleure conformité aux standards internationaux en matière de durabilité. Ces expériences démontrent la capacité de l’industrie intelligente à soutenir efficacement une transition écologique durable en Afrique.